Le Mois de l’histoire des Noirs

(Photos, Curling Canada/Andy Mostowski, Claudette Bockstael and Christian Leduc)

Des jeunes joueurs et joueuses noirs pavent la voie vers l’inclusion pour les Canadiens PANDC

Le Mois de l’histoire des Noirs honore l’héritage passé et présent des personnes noires au Canada et de leurs communautés. Au curling, nous allons de l’avant avec plusieurs athlètes noirs qui donnent le ton à l’avenir du sport.

Avec de nouveaux programmes à l’intention des Canadiens de couleur noire, et davantage de visibilité dans notre sport, le curling s’apprête à atteindre de nouveaux sommets pour l’équité et l’inclusion, avec notamment deux athlètes en compétition au Championnat canadien de curling U-18 2024, la semaine dernière à Ottawa.

Sitaye Penney

Sitaye Penney, de Portugal Cove – St. Phillips, à Terre-Neuve-et-Labrador, joue au curling d’aussi loin qu’elle se rappelle. Depuis l’âge de cinq ans, elle est présente au Centre RE/MAX, le club de curling de St. John’s, à lancer des pierres d’un bout à l’autre la glace. Elle a commencé à jouer le samedi matin, dans le programme Little Rocks, puis, en vieillissant, dans les programmes après l’école. Au fur et à mesure que ses habiletés se développaient, elle est devenue instructrice dans les programmes de curling auxquels elle participait dans sa jeunesse.

En 2017, elle a décidé de tout donner dans son sport. Inspirée par la victoire de Brad Gushue au Brier dans sa ville, à St. John’s, elle s’est laissée emporter par l’énergie du curling. Elle voulait atteindre le prochain niveau, et jouer contre les meilleurs. Si Gushue pouvait le faire, elle le ferait aussi.

«Je me suis dit : “OK, j’adore ce sport, et je veux m’y consacrer. C’était électrisant d’entendre la réaction dans l’enceinte quand il a gagné, et ça m’a motivée. C’est ça que je veux faire.” L’aréna était rempli de gens venus le voir jouer. Les voir se lever de leur siège, en criant et en applaudissant, c’était génial», explique Penney.

Elle a connu du succès, elle aussi. Penney a représenté sa province à quatre reprises au cours des dernières années. Elle en était à son troisième Championnat canadien U-18 en 2024; elle a aussi participé aux Jeux d’hiver du Canada 2023.

(Photo, Curling Canada/Andy Motowski)

Dans sa jeunesse, Penney était la seule joueuse noire de son club. Elle a grandi dans une collectivité essentiellement blanche, de sorte qu’elle ne s’est jamais arrêtée au fait d’être la seule personne de couleur noire sur la glace. Penney n’a jamais senti qu’elle n’était pas à sa place, et a toujours été accueillie au club. En grandissant, elle a toutefois commencé à se demander pourquoi les personnes noires et de couleur n’étaient pas plus nombreuses dans le sport.

«J’ai réalisé que j’étais la seule, et je voulais que ça change. Je veux faire une différence», ajoute-t-elle.

Penney est passée à l’action. Elle a reçu un des premiers Prix Tout Cœur Fran Todd, et a conçu un programme Apprendre à jouer au curling pour initier les nouveaux Canadiens et les ethnies au curling. Son programme regroupait 20 participants, dont la moitié sont revenus pour jouer au curling par la suite. Le succès était assuré, particulièrement auprès des familles qui ont constaté à quel point le curling est un sport intergénérationnel.

«Je pense que ces programmes sont importants. Plusieurs nouveaux Canadiens ne connaissent pas le curling. Ils le voient, sans vraiment le comprendre. C’est bien de les amener sur la glace pour qu’ils puissent l’essayer sans qu’on porte de jugement», estime-t-elle.

L’impact se fait sentir à long terme dans la communauté. Simon Perry, qui joue au même club que Penney, a remporté le même prix en 2023, et a mis en place un programme similaire. La participation a doublé grâce à leur partenariat avec l’Association des Nouveaux Canadiens, et s’adresse à toutes les clientèles : noires, autochtones, moyen-orientales et asiatiques.

Penney est consciente de son rôle en tant que jeune joueuse; elle sait que les gens de la communauté noire l’estiment. Mais elle veut aussi être un modèle pour les filles dans le sport en général.

«Je veux leur montrer qu’elles peuvent tout faire, c’est ça qui m’intéresse. La race, le genre ou tout le reste, ça n’a aucune importance», assure-t-elle.

Un jour, elle espère représenter sa province au Tournoi des Cœurs Scotties. Mais ses objectifs ne s’arrêtent pas là.

«Je veux gagner», sourit-elle avec fierté.

Jaxon Hiebert

Quand Jaxon Hiebert était jeune, il passait beaucoup de temps à la maison. Comme il avait beaucoup d’énergie, ses parents l’envoyaient au club de curling qu’ils pouvaient voir de leur fenêtre avant.

Le Sexsmith Curling Club, dans le nord de l’Alberta, était situé à 30 secondes de la maison. Quand Hiebert voulait lancer des pierres, le club lui ouvrait ses portes et trouvait quelqu’un pour le conseiller. Hiebert lançait et pratiquait, en écoutant le bruit des pierres s’entrechoquant dans le club vide. À chaque semaine, le technicien de glace confiait une nouvelle tâche à Hiebert, qu’il combinait avec sa participation au programme Little Rocks. Il est vite tombé en amour avec la stratégie du curling.

À l’âge de 10 ans, une équipe lui a demandé de jouer avec des joueurs deux fois plus vieux que lui dans le championnat provincial U-20. Cette expérience lui a ouvert les yeux sur tout ce qui l’attendait.

(Photo, Curling Canada/Andy Motowski)

«Je veux m’améliorer et continuer à jouer. Depuis ce temps, j’ai fait partie d’une équipe avec mon entraîneur actuel (Les Sonnenberg), et je me suis développé en tant que joueur et en tant d’athlète», raconte Hiebert.

Il a participé trois fois au Championnat canadien U-18, dont celui de cette année à Ottawa, et aux Jeux d’hiver du Canada 2023. Hiebert s’est tellement consacré à son sport que sa famille a déménagé à Sherwood Park pour jouer au Club de curling de Sherwood Park, géré par la championne du Scotties, Heather Nedohin, et pour avoir accès à davantage de ressources et de compétitions. Sa famille et lui ont voyagé pendant dix heures ou plus pour se rendre à Edmonton pour les compétitions ou l’entraînement.

Hiebert s’est démarqué lors de ces championnats nationaux, et a été choisi pour participer à une série 4 de 7 en double mixte en début de saison, pour mériter la chance de participer aux Jeux olympiques de la jeunesse 2024. Une victoire historique aurait permis à Hiebert de devenir le premier athlète noir à représenter le Canada dans une compétition internationale.

Mais dans le sport, on apprend parfois davantage de ses défaites que de ses victoires. Hiebert et sa partenaire, Lauren Evason, du Manitoba, se sont entraînés durant tout l’été, mais ont échoué à seulement une partie du but ultime. La défaite a fait mal, mais ça fait partie de l’apprentissage pour Hiebert.

«C’était une des expériences les plus cool de ma vie. Je n’avais jamais joué avec le dos au mur contre ça auparavant. Ça m’a appris à être tenace et déterminé, et nous avons presque réussi. Je pense que ça me motive, cette année. Je veux y retourner, et je veux endosser les couleurs du Canada. C’est à ça que je pense quand je m’entraîne», explique Hiebert.

Hiebert voudrait que le curling soit plus inclusif. Quand il était jeune, le curling s’est immiscé tout naturellement dans sa vie, mais il comprend maintenant que l’inclusion dans les sports est importante. Il a commencé à travailler avec United We Curl, un groupe soucieux de faire découvrir le curling à tous, en créant un environnement sécuritaire. En bout de ligne, Hiebert veut faire découvrir à d’autres jeunes comme lui un sport qui lui a tant apporté.

«J’aborde ma carrière une année à la fois. Quand je regarde en arrière, je suis plus conscient de certaines choses, de la chance que j’ai eue au fil des années, et des gens géniaux que j’ai pu rencontrer. Le curling m’a ouvert tant de portes. J’ai pu rencontrer des personnes incroyables, et j’en suis toujours reconnaissant», conclut-il.

Jayden King & Kibo Mulima

L’influence des Noirs au curling canadien se manifeste également au niveau masculin. Le mois dernier, Jayden King et Kibo Mulima ont écrit une page d’histoire du Tankard de l’Ontario en devenant les deux premiers capitaines noirs à s’affronter dans ce championnat provincial; l’équipe de King a même atteint la finale, où elle s’est inclinée contre Équipe Glenn Howard.

King et Mulima ont participé à l’émission Fresh Air avec Ismaila Alfa sur les ondes de CBC Radio (cliquez ici pour écouter l’entrevue) pour discuter de cette étape importante, et de la diversité grandissante dans le sport.

«Quand Jayden et moi avons joué l’un contre l’autre, nous avons appris que c’est probablement la première fois que deux capitaines noirs se sont affrontés au Tankard de l’Ontario; c’est un peu surprenant que ça ait pris autant de temps. C’est un moment cool dont nous avons pu faire partie, mais ça reflète aussi la façon dont les choses progressent pour la nouvelle génération dont Jayden et moi faisons partie, même s’il reste encore beaucoup de travail à faire», estime Mulima.

Comment aller de l’avant pour rendre le curling plus diversifié? La sensibilisation et le financement sont deux des facteurs déterminants.

«Le curling fait du progrès pour augmenter la diversité, mais je pense que nous devons surtout nous concentrer sur la sensibilisation. Peu de gens connaissent le curling; ils ne savent pas où sont situés les clubs et comment débuter. Il faut les sensibiliser à ce sport, et leur démontrer qu’il est ouvert à tous, peu importe leur habileté ou leur âge, pour s’amuser et rencontrer des gens, faire de nouveaux amis et faire partie d’une communauté», ajoute King.

Penney a constaté de près que les programmes spécialisés à l’intention des Canadiens PANDC font une différence. Pour y arriver, elle croit qu’il faut donner aux nouveaux joueurs le temps de s’entraîner, et de leur fournir des conseils, de l’aide, de l’équipement et les autres dépenses reliées au sport.

Globalement, il reste quand même du travail à accomplir, même si le curling progresse à grands pas.

«Je trouve ça vraiment cool que la participation et la sensibilisation augmentent, ajoute Penney. Curling Canada, et le curling en général, démontrent qu’ils veulent être plus inclusifs; ça donne l’exemple aux autres également.»

Curling Canada