Discussion sur l’avenir du curling

Le Dr Richard Norman parle de son nouveau rôle et de la direction que prend le curling

Par Jillian Kent

Récemment, Curling Canada a accueilli le Dr Richard Norman au sein de son équipe en tant que directeur du développement communautaire et de l’innovation. Si vous n’êtes pas certain de la description de tâches associée à ce poste, ne vous en faites pas.

Avec un léger rire, Richard sera le premier à admettre que ce n’est pas l’intitulé de poste le plus explicite qui soit. En termes simples, les objectifs de Richard sont d’examiner tous les niveaux du curling et d’aider à créer des stratégies fonctionnelles pour apporter des changements constructifs et significatifs au curling au niveau communautaire, en développant des relations et en générant des mesures qui feront avancer le curling vers ses objectifs d’inclusion.

Le sport fait depuis longtemps partie de la vie de Richard, qui a joué au soccer universitaire, entre autres. Lorsqu’il s’est mis au tennis un peu plus tard dans sa vie et qu’il a commencé à participer à des tournois dans des clubs de la « vieille école » qui appliquaient encore des règles traditionnelles, comme le port de vêtements de tennis blancs, il a commencé à réfléchir aux traditions sportives et aux obstacles qu’elles peuvent créer. Cela l’a amené à obtenir une maîtrise en prospective stratégique et innovation, dans le cadre de laquelle il s’est penché sur l’avenir du tennis au Canada.

Il a poursuivi ses recherches en portant un regard critique sur les questions sociales dans le sport et a terminé en 2020 sa thèse axée sur l’intersection entre la race, le colonialisme et le sport. Il s’est intéressé en particulier aux obstacles à la participation qu’ils créent pour les personnes non traditionnelles. Cette trajectoire a culminé avec le premier symposium de curling sur la diversité et l’inclusion, qui s’est tenu en mai 2022, animé conjointement par la Dre Heather Mair (ancienne conseillère) et le Dr Simon Barrick.

C’est à l’occasion de ce symposium qu’ils ont eu des discussions très franches. Richard a renforcé ses relations avec Katherine Henderson, alors chef de la direction de Curling Canada, et avec d’autres personnes liées au curling. C’est ce qui l’a amené à assumer son rôle actuel. Conscient que pour avoir le plus d’impact possible, il faut se lancer et commencer à agir dans l’espace, il est enthousiaste à l’idée de s’impliquer dans les rouages de Curling Canada et d’avoir la possibilité de contribuer au changement qu’ils recherchent.

Pour Richard, la vérité est qu’il ne s’agit pas d’un problème propre au curling. Tous les sports courent un risque s’ils ne prennent pas les mesures qui s’imposent. Discuter de grandes idées sans mesures concrètes ni données n’aura que peu ou pas de résultats concrets. La voie à suivre consiste à déterminer quels systèmes doivent être déconstruits et reconstruits en structures plus équitables, plus sécuritaires et conçues pour être pleinement inclusives.

L’un des premiers projets que Richard a entrepris dans le cadre de ses nouvelles fonctions consiste à créer un portrait complet de ce à quoi ressemble le système de curling au Canada, en détaillant une représentation claire des facteurs, des intervenants et des influences qui ont une incidence sur les centres de curling aujourd’hui. Ce projet vise à créer une base de référence qui pourra ensuite être utilisée pour déterminer les mesures à prendre pour générer le mouvement vers l’avant souhaité.

Un autre projet dirigé par Richard, appelé « Au-delà des frontières », met l’accent sur « la manière dont nous établissons des relations authentiques avec les communautés qui ne sont pas représentées dans le curling ». Dans le cadre de ce projet, Curling Canada s’est associé à des clubs locaux pour examiner les dynamiques démographiques et communautaires spécifiques. Avec l’aide de Visionnaire (une société de conseil spécialisée dans la sensibilisation dans les communautés diverses), le projet est conçu pour aider les centres de curling à évaluer les mesures les plus appropriées pour attirer les curleurs non traditionnels vers le sport et la façon dont Curling Canada peut les aider à maximiser toutes les possibilités.

Richard estime que l’une des plus grandes contributions que peut avoir Curling Canada dans l’avenir est de trouver des façons d’aider les organisations communautaires à créer les relations dont elles ont besoin pour assurer une bonne participation dans leurs installations. Si l’objectif du curling est de créer une communauté plus ouverte et plus accueillante, alors le curling doit établir des relations et soutenir ces communautés. La majeure partie du travail doit se faire à l’extérieur du club, en établissant des liens avec les groupes locaux là où ils se trouvent, comme le temple sikh ou la mosquée de l’autre côté de la rue, le centre culturel autochtone ou les ligues sociales 2SLGBTQIA+, et en commençant à établir des liens à partir de là. Il ajoute : « L’élément le plus important est de demander aux groupes racisés ou marginalisés comment nous (en tant que communauté du curling) pouvons les aider; il ne s’agit pas « seulement » de curling. »

C’est une distinction importante pour aller de l’avant ensemble et il ne s’agit pas d’aller vers des espaces et de leur dire ce que le curling peut faire pour eux, mais plutôt d’écouter, de demander et d’apprendre ce que le curling et les curleurs peuvent faire pour répondre à leurs besoins. Curling Canada s’est engagé à faciliter ces liens et à soutenir les centres de curling; cependant, il doit générer ces types de possibilités.

Une autre priorité importante de Richard est d’aider Curling Canada à atteindre une plus grande transparence sur ce qui se passe à l’intérieur de l’organisation. L’une des meilleures façons de le faire est de raconter des histoires. Il croit que Curling Canada doit raconter les histoires de ce qui se passe à l’interne et dans la communauté élargie en ce qui concerne la diversité, l’équité et l’inclusion. Il ne s’agit pas d’être parfait ou d’avoir tout fait, mais de souligner les mesures qui sont prises aujourd’hui. Il s’agit d’être clair sur les motivations et la communication de ce qui se passe, ce qui permettra à l’avenir d’être plus à même d’établir des liens avec les communautés sur les questions d’inclusion. Les changements structurels à grande échelle ne se produisent pas d’un seul coup, et il est important de célébrer les étapes en cours de route.

Richard reconnaît qu’il existe une idée fausse concernant les traditions, les règles et les règlements dans le sport : ils ne sont pas fixes et changent bien plus souvent qu’on ne le pense. En ce qui concerne le curling et son avenir, il s’agit de savoir ce que nous considérons comme faisant partie intégrante du sport et ce qui pourrait être modifié. Si la tradition peut être réconfortante pour certains, elle peut constituer un obstacle pour d’autres, en particulier ceux qui ne se reconnaissent pas dans le sport d’un point de vue historique.  Changer de perspective pour voir les symboles et les cultures différemment permet de s’interroger sur ce qui est « vraiment essentiel à maintenir dans le sport ». Bien que certains aspects puissent être chéris dans de nombreux cas, de simples ajustements peuvent créer de nouvelles voies pour que d’autres personnes se sentent à leur place.

Lorsque Richard repense à ses premières expériences de curling, c’est après coup qu’il se rend compte que « Je suis assis avec des athlètes de haut niveau… nous buvons un verre et discutons, j’établis de nouvelles relations avec les meilleurs curleurs du monde ». C’est unique au curling et ancré au cœur du sport, le lien social et la nature modeste de ceux qui sont au sommet. C’est quelque chose de spécial et c’est une partie essentielle de la façon dont le sport peut attirer d’autres personnes et se développer. 

La question à laquelle le curling est confronté est la suivante : « Quel est l’avenir de ce sport et sommes-nous prêts à prendre les mesures nécessaires pour qu’il soit véritablement inclusif ? »

Curling Canada