Des occasions professionnelles !
L’Association des professionnels de curling franchit de nouvelles étapes
Il a fallu plus d’une décennie pour que la vision se concrétise, alors Rob Krepps ne pouvait pas s’empêcher de sourire en constatant l’engouement suscité par les premiers camps d’entraînement de la nouvelle Association des professionnels de curling (APC).
Ces camps organisés récemment à Edmonton et à Oakville, en Ontario, ont lancé le programme APC, grâce auquel le curling au Canada va suivre l’exemple du golf, avec des professionnels accrédités dans les clubs partout au pays, autant parmi le personnel que les entraîneurs.
«Ça dépassait nos attentes les plus folles», se réjouissait Krepps, directeur exécutif de l’APC en parlant de ces camps, qui ont attiré 50 participants. «Nous nous attentions à en avoir peut-être la moitié.»
«Je dirais que la qualité des candidats, leur implication, leur désir d’apprendre, était exceptionnel, bien au-delà de nos espérances.»
L’association propose un programme de formation d’une durée d’un an, composé de six cours en ligne suivis par un week-end de formation en personne. Après avoir complété les deux volets, et réussi une évaluation, les participants peuvent recevoir une accréditation de professionnel associé.
«Tout le monde commence au niveau de professionnel associé, qui combine l’entraînement et la gestion de club, parce que nous voulons que nos professionnels disposent d’un ensemble de connaissances», précise Krepps.
Ces professionnels associés doivent ensuite compléter une deuxième année de formation en tant que professionnel de club ou professionnel d’enseignement pour décrocher l’accréditation complète.
Bobby Ray, gestionnaire senior du développement des clubs et des services aux membres de Curling Canada, estime que la réponse au programme est encourageante, «ce que j’espérais qui allait arriver.»
«Je m’interrogeais surtout du soutien envers ce concept. Quand tu es impliqué dans un sport depuis longtemps, et que ça fonctionne de la même façon depuis tout ce temps, c’est parfois difficile d’accepter un changement comme celui-là. Nous pouvons maintenant compter sur un noyau solide de gens influents prêts à appuyer cette cause.»
John Epping, qui a participé au Brier à trois reprises, estime lui aussi que ce programme était devenu nécessaire, et que les clubs et le curling vont en profiter.
«Pour commencer, ça va être absolument fantastique pour nos joueurs récréatifs», estime-t-il, en ajoutant que la présence de professionnels parmi le personnel devrait contribuer à attirer de nouveaux jeunes joueurs, en leur offrant la formation dont ils ont besoin ou qu’ils désirent avoir en chemin, et que ça va aider les clubs à se développer.
Ray a entendu parler d’adopter au curling la même approche que le golf pour la première fois en 2013, quand Krepps lui a présenté l’idée. Quand il a entrepris son rôle actuel avec Curling Canada, il y a deux ans, Ray s’est employé à assurer le financement du programme pour les deux premières années, «pour être certain que ça allait démarrer».
Avec le temps, on espère que les revenus générés par les programmes de formation et les frais de cotisation vont permettre à l’APC d’être autonome sur le plan financier.
Comme plusieurs autres sports, le curling dépend beaucoup des bénévoles. Par contre, d’autres sports, comme le golf et le tennis, ont davantage recours à des professionnels accrédités pour gérer les clubs et entraîner les athlètes. Ray estime que l’addition de professionnels «fait grandir le sport et attire davantage de participants».
«Notre sport dépend beaucoup des bénévoles. J’estime que cette culture du bénévolat ne va pas disparaître, mais dans plusieurs domaines, c’est devenu plus difficile de recruter ces bénévoles. Le succès de la participation au niveau communautaire reposera sur un modèle hybride, reposant sur une stratégie moderne de bénévolat, combinée avec la formation de personnes qui vont travailler dans ce sport de façon professionnelle et efficace.»
Bien que le curling s’inspire beaucoup de la tradition, Krepps estime que l’idée d’avoir au moins un professionnel dans chaque club n’est pas irréaliste.
«Le curling en profiterait beaucoup, croit-il. Il est grand temps qu’une idée comme celle-là se réalise; je pense que ça ferait une grande différence dans la santé des clubs, et dans celle de notre sport.»
D’autres intervenants impliqués dans ce programme sont tout à fait d’accord.
Même si Epping a participé au Brier à trois reprises, et remporté quatre titres du Grand Slam, en plus d’enseigner le curling depuis plusieurs années, il s’est inscrit au programme APC; il en constate déjà des retombées positives.
«Ça m’a permis de valider certaines techniques et des pratiques que j’utilise en tant qu’entraîneur, note-t-il. C’est bien de voir de nouvelles idées et des méthodes tactiques et techniques dont je vais pouvoir me servir à l’avenir.»
Selon lui, le programme permettra d’uniformiser la formation à la grandeur du pays, un aspect qu’il trouve important.
«En adoptant des pratiques communes, et la même approche, dans ses grandes lignes en tout cas, ça va non seulement m’aider, mais aussi tous les joueurs que je vais rencontrer dans le futur. Au lieu de styles et de philosophies différentes, ça deviendra plus universel. Il va quand même rester des variations ici et là pour tenir compte du style de chacun, mais au moins, la base et l’approche ne vont pas changer.»
Gerry Richard, champion du Brier et champion du monde en 1994 dans l’équipe de Rick Folk, et entraîneur de niveau 3 pour CurlBC, estime que l’uniformisation de l’enseignement au Canada est la «véritable clé» du succès dans l’avenir.
«Au fil des années, le Canada a eu d’excellents entraîneurs, mais ils n’ont peut-être pas toujours adopté l’approche que nous recherchons. Quand on regarde le développement des équipes en Asie, et maintenant en Écosse, ils enseignent à leurs jeunes joueurs et joueuses à lancer la pierre d’une certaine façon dès leur plus jeune âge. Ça leur donne un énorme avantage.»
Le défi pour l’avenir sera de convaincre les clubs de curling, qui en arrachent déjà au niveau financier, de confier la gestion de leurs clubs et de leurs programmes à des professionnels.
«C’est la raison principale derrière tout ça, précise Krepps. Curling Canada veut développer plus de joueurs, et de meilleurs joueurs. Je pense que les professionnels de l’APC seront mieux placés que quiconque pour y parvenir.»
Ray reconnaît que certains clubs vont dire qu’ils n’ont pas les moyens d’embaucher un professionnel.
«Nous disons qu’ils n’ont pas les moyens de ne pas embaucher un professionnel qui va leur apprendre à faire de l’argent, et à rentabiliser leur investissement en bout de ligne. Ils vont vendre tellement plus de leçons, d’équipement, de temps de glace et de cartes de membres qu’un club ne pourra pas se permettre de se passer d’un professionnel.»