Jouer à l’oreille!
Une joueuse junior avec des implants cochléaires va participer à trois championnats nationaux durant la saison 2022-23
Par MARIO ANNICCHIARICO
Imaginez-vous un instant prendre place dans l’appui-pied, sans entendre le crissement caractéristique du Velcro quand vous ajustez votre gant. Ou le crépitement sourd de votre soulier, et le son du frottement de la pierre sur les pitons de la glace, ou encore les cris d’encouragement du capitaine à l’endroit des brosseurs.
Makiya Noonan ne peut pas imaginer ces sons parce que, grâce à ces implants cochléaires, elle peut les entendre.
Née sourde de ses parents Craig et Kristin, Noonan avait neuf mois quand des tests médicaux ont permis de confirmer qu’elle ne pouvait pas entendre. Après avoir consulté des médecins à Estevan, en Saskatchewan, Makiya a subi une chirurgie historique au Stollery Children’s Hospital, d’Edmonton, où on lui a installé deux implants.
«Elle est née sourde à 100%; nous n’en avions aucune idée, explique sa mère, Kristin. Ils n’ont jamais vérifié à l’époque. Nous avons juste remarqué qu’elle ne réagissait pas aux sons, et qu’elle ne babillait pas. À partir de là, tout est allé très vite. Nous n’avions jamais entendu parler des implants cochléaires, alors nous avons commencé à nous renseigner là-dessus, et à apprendre le langage des signes immédiatement.»
Avec, évidemment, bien des inquiétudes.
«Au début, c’est certain que tu t’interroges pour son avenir. Pourrait-elle entendre ou parler un jour? Tu penses à son éducation, au travail. Puis, elle a eu ses implants, cinq mois plus tard. Nous avons fait faire les deux oreilles en même temps; ça avait été réalisé sur un garçon plus âgé, mais jamais sur un bébé», ajoute Kristin.
Cinq semaines plus tard, les éléments externes des implants magnétiques de Makiya ont été activés; en l’espace de quelques jours, ses parents ont remarqué la différence.
«C’était fantastique, et elle va tellement bien. Ils font la chirurgie, tu attends cinq semaines, les pièces externes sont installées puis activées, en activant progressivement les électrodes qui donnent accès au son, raconte Kristin. Trois jours plus tard, elle commençait à babiller.»
«Ce n’est pas comme dans les films, quand on voit immédiatement une forte réaction au son quand ils sont activés. Ça n’est pas arrivé parce qu’elle n’avait jamais rien entendu. Pour elle, aucune des connections dans le cerveau n’était développée.»
«Au début, elle était juste assise là, puis elle a commencé à cligner des yeux; on voyait qu’elle commençait à entendre, mais il n’y a pas eu de grands changements. Mais en quelques jours seulement, elle a commencé à émettre des sons. Elle avait 13 mois à ce moment-là.»
Makiya a entrepris une thérapie audio-verbale à l’âge de deux ans, mais a rapidement été retirée du programme parce qu’elle dépassait tous les autres au niveau de la parole, des sons et du vocabulaire.
«Elle s’exprime parfaitement maintenant, mais nous utilisons aussi le langage des signes parce que nous voulons qu’elle connaisse le meilleur des deux mondes», ajoute Kristin.
Makiya s’est épanouie à partir de là, affrontant tous les défis auxquels elle est confrontée.
Elle a récemment participé aux Jeux d’hiver du Canada dans sa ville natale, à son club du Silver Fox Entertainment Complex à Summerside, à l’Île-du-Prince-Édouard, en tant que vice-capitaine pour l’équipe d’Ella Lenentine. Elle a rejoint ses coéquipières après avoir participé au Championnat canadien U-18 à Timmins, en Ontario. Elle représentera la province au Championnat canadien junior New Holland 2023, du 25 mars au 2 avril à Rouyn-Noranda, au Québec.
Maintenant âgée de 16 ans, elle joue au softball durant l’été, et au volleyball au Three Oaks Senior High School. «Je ne laisse pas la surdité ne déranger, ou m’empêcher de faire quoi que ce soit», explique Makiya, qui a commencé à jouer au curling à l’âge de neuf ans quand le programme Egg Farmers Rocks and Rings est passé à son école d’Ottawa, où la famille habitait avant de déménager sur la côte Est, plus près de sa famille
«Avant, je nageais aussi, mais c’était compliqué parce que les implants ne sont pas à l’épreuve de l’eau, évidemment, ajoute Makiya, qui n’a peur de rien. «Pas du tout. Je suis très athlétique. La natation, c’était différent, mais je dois juste être prudente qu’ils ne tombent pas quand je fais du sport. Ce n’est pas un problème au curling, mais au softball, c’était plus inquiétant.»
Makiya peut retirer ses implants en tout temps, ce qu’elle fait la nuit pour recharger les batteries.
«C’est magnétique; c’est comme enlever un aimant du réfrigérateur. Ils doivent être rechargés; les batteries peuvent donc être enlevées et placées sur un chargeur.»
«Ses possibilités sont innombrables, et elle est motivée. Nous voulons lui donner toutes les chances possibles, et la soutenir», assure sa mère Kristin qui, comme son mari Craig et son fils de 14 ans Damon, est athlétique.
Voilà donc où nous en sommes avec Makiya, qui a des rêves comme n’importe quelle adolescente.
«J’espère participer au Tournoi des Cœurs Scotties, un jour, et peut-être aussi aux Deaflympics», ajoute Makiya.
Connus également sous le nom de Jeux olympiques pour les sourds, les Deaflympics sont une série de compétitions multisports sanctionnée par le Comité international olympique, dans lesquels les athlètes sourds compétitionnent au niveau élite. Contrairement aux autres compétitions sanctionnées par le CIO, les athlètes ne peuvent pas guidés par des sons. La prochaine session hivernale est prévue pour 2023, tandis que la session estivale aura lieu en 2025.
D’ici là, elle apprécie pleinement les Jeux d’hiver du Canada.
«C’est vraiment super de jouer à la maison, et génial de pouvoir encourager les autres athlètes de l’Île-du-Prince-Édouard», ajoute-t-elle.
Mario Annicchiarico est l’agent de liaison auprès des médias pour Curling Canada aux Jeux d’hiver du Canada 2023.